Qu’est ce qui se cache derrière un besoin de contrôle ? Qu’est-ce que le lâcher prise ?
Dans toutes les situations, il y a des éléments que nous pouvons contrôler, et d’autres qui nous échappent complètement.
Cette capacité de pouvoir prendre le contrôle sur un élément sert à réduire les angoisses que provoquent certaines situations dû par exemple à un meilleur contrôle du temps (plus de planification, la mise en place d’une routine hebdomadaire), au contrôle de ses émotions ou encore au contrôle de ses comportements (face à une critique par exemple). En psychologie, ces angoisses sont simplifiées et décrites comme les angoisses liées aux notions de vie et de mort. Garder le contrôle permet d’éviter la question de notre mortalité : plus on a le contrôle d’une situation moins nous sommes angoissés par la peur de mourir et inversement. Le contrôle est donc un puissant mécanisme de défense.
C’est pourquoi il est important de se poser les bonnes questions lorsque l’on fait face à une situation « problématique » : jusqu’où ai-je le contrôle ou la maîtrise de la situation ? A quel moment, face à quelle personne ou situation dois-je lâcher-prise, et pourquoi ? Quelle serait les conséquences ou les bienfaits du lâcher prise ? Est-il toujours indiqué de pratiquer le lâcher prise ?
L’injonction au lâcher prise, pourquoi ?
Dans un monde ultra connecté tel que le nôtre, nous sommes facilement à risque d’être exposés à l’actualité constante et mondialisée. Ce flux d’informations nous rend sensible aux annonces de mauvaises nouvelles et décuple notre sensation d’impuissance. Ces phénomènes peuvent constituer un fardeau, une charge mentale supplémentaire qui s’impose à nous, à l’image d’Atlas qui porte le monde sur ses épaules. C’est le même scénario lorsqu’au sein de sa famille on se sent responsable du bonheur des autres, ou encore lorsqu’au travail, on porte sur soi la cohésion d’équipe ou la productivité.
C’est dans ces situations que le lâcher-prise rentre en jeu, puisqu’il consiste à faire le choix de se détacher des choses que l’on ne peut pas contrôler comme les réactions de l’autre, ou encore les nouvelles mondiales. Ce lâcher-prise n’est en aucun cas une forme d’abandon ou de renoncement mais l’acceptation de sa propre limite et une redéfinition du combat individuel que l’on peut mener. Par exemple, je peux lâcher prise d’une rancœur envers un collègue car j’accepte le fait que mon collègue ne verra sans doute jamais la chose avec mon point de vue et que je ne peux rien y faire. Ainsi, je ne suis pas faible, ce n’est pas une question de respect, mais une décision de me décharger de cette rancœur.
Des exemples de lâcher prise
- Laisser la place à l’erreur
- Accepter les imprévus
- Accueillir les imperfections (de l’autre et les nôtres)
- Se permettre de ressentir des émotions dites « négatives »
- Apprendre à pardonner
- Renoncer à essayer de maitriser des choses hors de son contrôle…
Les effets secondaires du lâcher prise
Puisque le contrôle peut servir à nous protéger de nos angoisses, il y a dans le lâcher prise un revers auquel il faut s’attendre. Celui-ci peut être sous forme d’émotions qui ressurgissent comme des expériences de deuil, ou de questions identitaires. Une personne qui, du jour au lendemain, se défait du contrôle de ses émotions et exprime des sentiments à son entourage, peut tout à coup être confrontée à des retours de celui-ci sur lui qu’il n’avait pas anticipé. Il prend sa place dans son environnement. Ici, le lâcher prise est libérateur, source de bienfait, de soulagement et en même temps ouvre la porte aux émotions longtemps refoulées.
Sur le long terme, le lâcher prise peut permettre d’améliorer sa qualité de vie et sa santé mentale en diminuant le stress que l’on s’impose même involontairement et qui finit par peser sur nos actions. Par exemple, lâcher prise de certaines rancœurs que l’on tient, de certaines idées édifiées comme des idéaux de perfection, ou de l’idée que les choses doivent se dérouler tel qu’on les a imaginées.
Le lâcher prise, une forme de développement personnel
Les théories centrées sur les personnes associent le lâcher prise à un acte de développement personnel (Carl Rodgers). Ces approches visent à prendre en compte les différents aspects de la personne qui constituent son « soi » comme ses expériences corporelles, ses rêves, et ses aspirations. Ce choix de s’écouter pleinement est un lâcher prise : le lâcher prise de cette personne que l’on pense être ou que l’on voudrait être aux yeux des autres. Le lâcher prise serait donc le choix de s’écouter et de s’accepter en premier lieu.
Lâcher prise et contrôle – un continuum
Certains environnements dictent un besoin de contrôle. C’est souvent le cas du monde professionnel où l’on attend des salariés une attitude professionnelle, le contrôle des évènements (ex : planning, programmation, etc.) et de ses émotions. Dans un contexte d’incertitude, un minimum de lâcher prise est requis pour ne pas perdre ses moyens face aux imprévus du moment. Il s’agit de trouver un équilibre car le monde est tel qu’il est.
Toujours sur le lieu du travail, le contact constant avec ses collègues créé des situations où le lâcher prise peut être bénéfique : par exemple, le lâcher prise des idées que l’on se fait de l’autre et que l’on aimerait que l’autre soit. Accepter cette différence est une forme de lâcher prise qui nous permet de moins se dépenser en énergie négative. Ne pas l’accepter peut-être source de ressentiment et de colère qui finalement ne peuvent aboutir, car l’autre est tel qu’il est.
Pour conclure
Nous sommes en constante relation avec nous-mêmes et avec les autres. L’idée derrière le lâcher prise est d’accepter d’être un individu à part entière au sein d’un environnement composé d’Autres. Ces Autres ont également une relation à eux et à leur environnement qui leur est propre.
Ce qu’il faut retenir, c’est que le contrôle permet de se maintenir et de se contenir face aux événements hostiles mais que le lâcher prise, lui, peut servir de tremplin pour se réaliser et s’épanouir. C’est bien moins couteux en énergie mentale, car à long terme, le « réservoir à contrôle » d’un individu peut s’épuiser, surtout lorsque celui-ci cherche à l’exercer sur une situation ou des individus sur lesquels il n’a pas de maîtrise. Quant au lâcher prise, il se ressource par lui-même et nous ressource aussi.
A propos de l’auteur
Myriam Paperman, Docteure en psychologie clinique franco-américaine. Myriam se passionne pour la prévention en santé mentale, elle est d’ailleurs l’autrice du livre « Une consultation psy sans souci » (Collection Mango Society – On en parle !) qui permet de déconstruire les barrières pour pouvoir aller consulter sereinement. Plus largement ses interventions auprès d’Eutelmed en conférence, webinar ou autres ont pour objectifs de dé-stigmatiser et rendre accessible la santé mentale pour tout le monde.