Si l’hypersensibilité existe depuis toujours la notion en elle-même a, quant à elle, été théorisée dans les années 1990 par la psychologue américaine Elaine N. ARON ¹. Le fait d’être hypersensible n’est pas rare et concernerait 25% de la population ², autant d’hommes que de femmes. Ce n’est ni un trouble, ni une maladie mais un fonctionnement neurologique inné. Ce n’est donc pas un choix : on nait hypersensible, et notre environnement va influer sur notre sensibilité. Rappelons que tout être humain est par nature sensible. La différence principale réside dans le degré de sensibilité et l’intensité des perceptions. Une personne hypersensible perçoit les changements les plus subtils de son environnement, reçoit plus d’informations « non filtrées » par rapport aux personnes moins sensibles.
Comment savoir si vous êtes hypersensible ?
Le test établi par Elaine Aron est un réel indicateur ³. Toutefois, il n’existe pas de test « officiel » comme ce peut être le cas pour le haut potentiel intellectuel (QI WAIS) ou le haut potentiel émotionnel (QE-PRO). C’est une appréciation propre à chacun, qui sera si besoin validée par un professionnel comme un psychologue spécialisé dans l’accompagnement des personnes « neuro-atypiques » ou un coach spécialisé dans l’hypersensibilité.
Quelles sont les principales caractéristiques de l’hypersensibilité ?
Voici quelques éléments que l’on retrouve chez la personne hypersensible et qui pourront vous être utiles de (re)connaitre.
– Une forte acuité sensorielle La sensibilité sensorielle est accrue, une personne hypersensible est plus réactive aux stimuli sensoriels qui viennent à elle « sans filtre ».Par exemple : un hypersensible déjeune à la cantine de son entreprise et discute avec son collègue. Il entend également la conversation du groupe à la table derrière lui, parfois au même niveau sonore que la voix de son collègue, il peut être incommodé par l’odeur d’un plat sur autre table, gêné par la sonnerie aiguë d’un téléphone, la lumière artificielle de la salle ou le bruit des couverts, ressentir le stress de son collègue… Tous ces stimuli sont « reçus » en même temps sans ordre de « priorité », ce qui peut très vite mener à un état d’hyperstimulation. Notons que les ressentis « agréables » sont également ressentis de manière plus intense.
– L’intensité des émotions. Les émotions sont vécues intensément, qu’elles soient agréables ou désagréables. Il peut s’agir d’un profond sentiment d’unité devant un coucher de soleil comme d’une grande frustration face aux sirènes d’un camion de pompier. Certains hypersensibles ont pu mettre en place des « stratégies » – souvent inconscientes – pour ne pas se laisser envahir d’émotions. Par conséquent, ils finissent par se couper de celles-ci et se réfugient dans leur sphère mentale.
– La pensée en arborescence. Les hypersensibles pensent principalement en arborescence, et non naturellement de manière linéaire : une pensée en amène une autre, qui en amène une autre… Une source de créativité mais aussi d’épuisement. Pour contrebalancer, une activité physique est recommandée.
– L’hyper-empathie. Une personne hypersensible se met naturellement à la place d’autrui, ressent les émotions des autres et rencontre parfois des difficultés à les différencier de ses propres émotions. Les hypersensibles sont généralement très bienveillants, parfois même de véritables éponges émotionnelles.
Enfin, il existe d’autres points comme : le sens du détail, le perfectionnisme, un goût pour l’harmonie, une grande résilience…
Comment mieux-vivre votre hypersensibilité au travail ?
– Prenez en considération vos besoins personnels. Avant d’être un professionnel, vous êtes un être humain avec des besoins physiologiques, émotionnels, relationnels : les connaissez-vous et surtout, les respectez-vous ? Quelques questions à vous poser : comment vous ressourcez-vous ? qu’est-ce qui vous donne de l’énergie ? vous en prend ? avez-vous besoin de silence quotidiennement ? de nature ? de reconnaissance ? quelle est votre source de joie ? d’apaisement ?Dédiez un temps pour vous avant de débuter votre journée est un bon moyen de limiter l’hyperstimulation. Il peut s’agir de méditation, lecture, marche, sport…. Privilégiez également une alimentation saine et des « sas » de décompression dans votre journée (5 minutes de respiration, écouter le bruit des vagues, marcher après le repas).
Nous portons parfois plus d’attention à la batterie de nos smartphones, qu’à notre propre niveau d’énergie en tant qu’être humain. Pourtant, rappelez-vous que cette énergie individuelle n’est pas illimitée et qu’il est de votre ressort de vous « recharger » en faisant ce qui vous ressource afin de créer un équilibre entre ce que vous donnez et ce que vous recevez. Faites-en sorte de toujours avoir assez de batterie tout au long de la journée.
– Aménagez votre environnement de travail. Les espaces de travail sont souvent saturés : lumière artificielle, impossibilité d’ouvrir les fenêtres, promiscuité, bruits constants, open-space, manque de nature… Or, l’environnement de travail est crucial pour un hypersensible et peut le rendre très créatif comme l’épuiser. Concentrez-vous uniquement sur ce qui est en votre contrôle, il ne s’agit pas de changer la décoration de tout l’immeuble. Par exemple : réduire le bruit avec un casque, un espace de travail propre et aéré, exprimer à vos collègues votre besoin de solitude, opter pour le télétravail de quelques jours par semaine voire tous les jours de la semaine selon votre ressenti, désactiver vos notifications, utiliser les moments où vous avez le plus d’énergie pour faire les tâches de fond, déjeuner dans un parc…
– (Re)trouvez du sens dans ce que vous faites. La question du sens est cruciale et résulte du fait de vivre en accord avec vos valeurs. Quelles sont vos valeurs ? Votre vie professionnelle est-elle en accord ou en conflit avec vos valeurs ? Si chaque hypersensible est unique, on note que leurs valeurs sont souvent liées à la justice, la bienveillance, l’harmonie, la coopération, la cohérence…4
Dans le cadre professionnel, les hypersensibles sont réellement mis en difficulté par les éventuels « jeux politiques » internes pour se faire une place et ont souvent besoin de reconnaissance.
– Poser vos limites et apprenez à dire non. Par peur du conflit et par envie de faire plaisir, les hypersensibles ont souvent du mal à dire non. Le risque ? se sur-adapter, se fixer des objectifs inatteignables jusqu’à développer un burn-out. La connaissance de vos besoins et la Communication Non Violente (CNV) permettront d’exprimer plus facilement vos limites.
– Sensibiliser les managers et les Ressources Humaines. Si l’on considère que 25% des salariés sont hypersensibles, ¼ des collaborateurs le sont, ce qui n’est pas négligeable. Pour les trois quarts qui ne le sont pas, il est important d’être sensibilisés afin de mieux communiquer et d’interagir en prenant en compte les caractéristiques des hypersensibles. La bonne nouvelle ? les conditions de travail et de communication qui fonctionnent pour les hypersensibles, fonctionnent pour tout le monde. Le plus souvent, la réciproque n’est pas vraie.
Si l’hypersensibilité est souvent vue comme un frein c’est surtout car elle est mal appréhendée. Souvent, les personnes hypersensibles ne connaissent pas leur propre « mode d’emploi » et tentent de se conformer à ce qu’elles pensent être « la norme » dans un monde de l’entreprise qui peut rendre hypo-sensible.
Comprendre l’hypersensibilité, aménager l’environnement de travail et la communication seront des véritables leviers pour accéder aux innombrables ressources de l’hypersensibilité par les hypersensibles eux-mêmes, et par les entreprises également, notamment en composant des équipes où les différents profils pourront s’exprimer. Les personnes hypersensibles regorgent de qualités qui peuvent être mises au service de projets d’envergure si tant est qu’elles puissent les exprimer : la créativité, l’envie de collaborer, les idées visionnaires, le souci de l’harmonie et l’empathie sont de réelles nécessités pour participer à un monde des affaires plus éthique et répondre avec authenticité aux besoins des clients. Leadership et hypersensibilité sont loin d’être incompatibles.
[1] Voir le livre de référence « Hypersensible mieux se comprendre pour mieux s’aimer » Elane N. ARON
[2] Selon Elaine Aron et Saverio Tomasella,
[3] Questionnaire d’E. Aron1 sur l’hypersensibilité
[4] Testez vos valeurs ici